Par yayoun - 30-03-2009 23:16:06 - 9 commentaires
Je choisis de repartir: si cela m'arrive sur une course plus longue, ça ne doit pas m'arrêter. Je mets le buff kikourou autour de la cuisse pour protéger les plaies (et oui, les buissons piquants sur la peau à nue, ça fait mal) et je repars, d'abord clopin-clopant puis je me remets à trottiner. Ca fait mal à chaque pas mais c'est gérable. J'ai juste l'impression d'avoir une super courbature. Je n'ai pas enlevé mon collant pour voir les dégâts collatéraux: je les découvrirai sous la douche...(non, vous ne verrez pas cette image, pas la peine de rêver, n'est-ce pas Benos...). La foulée féline s'est transformé en foulée de pachyderme ( non, cette comparaison n'a rien à voir avec le fait que les spécialités de la Yaute m'ont fait prendre 3 kgs) mais j'avance. On monte tranquillement mais en courant. Je comprends que finalement, courir avec quelqu'un à côté permet de donner un certain rythme: on fait les huit kms restant en petites foulées tranquilles en doublant plusieurs personnes...Et oui, mes tentatives de vol m'ont fait perdre quelques places qu'il faut remonter.
Ravitaillement au 10e km: je retrouve la route sur laquelle on était la veille en voiture, c'est bon, je sais où je suis. On continue d'avancer, je croise Françoise 84 avec toujours un sourire jusqu'aux oreilles malgré une bronchite tenace, Claude 34 aussi qui fait toute la course en marchant et après quelques nouvelles montées, on arrive au ravitaillement du 14e km.
Bonne nouvelle, on y est en 2h30...Je pensais mettre 3h. Les bénévoles sont aux petits soins pour nous: le ravitaillement offre une large sélection de produits de choix: chocolats, fruits secs, gateaux apértifs, jambon, pain, coca, eau (je me demande si je ne vais pas faire un guide michelin des ravitaillements de course). Par contre, je découvre que mon corps a perdu l'habitude de piocher dans les réserves: j'ai déjà mangé deux barres et j'ai une dalle d'enfer: je suis prête pour une côte de boeuf au gros sel. Je pense bien à boire toutes les 20 min. D'après le recul pris, l'une des causes dominantes de ma tendinite a été le manque d'hydratation. C'est ici que l'on choisit: 22 ou 44? La question ne se pose pas, je me suis préparée pour 22, ce sera 22...Décidément, ce n'est pas encore cette année que je monterai au sommet.
Allez hop, je croise deux kikoureuses et on repart. Je commence à rentrer dans la zone inconnue: je sais que mon genou tient 2h40 sans douleur: après???? Ca reprend par une légère montée avant de partir pour 10 kms de descente. Le genou va bien mais les jambes commencent à être un peu lourdes. Je trouve la descente vraiment accidentée: je n'ai plus l'habitude. J'avais jusque là orienté mon entrainement vers du foncier et surtout vers des sports portés pour éviter les traumatismes. Le ski de fond et de rando m'ont permis de refaire la caisse tranquille mais mes deux chutes successives me montrent qu'il est temps de repartir s'entrainer dans les chemins de chèvre...J'essaie de contrôler ma descente, de verrouiller mes articulations: contraction des quadri, gainage des abdos. Le problème, c'est que la cuisse blessée est déjà en bois. J'entends à plusieurs reprises des pierres roulées derrière moi, je croise des gens avec d'énormes crampes, d'autres avec des entorses, cheville, genou...Allez savoir pourquoi, j'ai un mauvais pressentiment. Je suis Nico pour essayer d'apprendre quelques trucs en descente mais les cuisses commencent à brûler.
Et là: leçon N°3: ne jamais avoir une minute, une seconde d'inattention dans une descente accidentée et surtout, P*****, Yayoun, lève tes pieds...J'attends des pierres crissées, je me retourne pour voir si le coureur ne s'est pas fait mal et là, jamais deux sans trois, je vous le donne en mille:
Vol plané N°3: mais cette fois-ci, c'est moins drôle: de nouveau je vois la terre de près, de nouveau je me rattrape sur les mains...Vous remarquerez que je fais tout pour ne pas abîmer mon nouveau sac à dos quand même...Et là, une super douleur...j'ai pris un rocher dans le ventre...je n'arrive plus à respirer. Je suis couchée sur le chemin, j'essaie de trouver de l'air, je suis séchée.. D'éléphant, je deviens tortue et qui plus est, tortue coincée sur le dos..Nico,mon urgentiste attitré, inquiet en raison de mon cri de la mort qui tue et plus encore parce que je ne parle plus, m'aide. Une secouriste, ange volant ô combien précieux qui fait des aller-retours sur la course s'occupe de moi, m'aide à retrouver ma respiration, vérifie que je me suis pas explosée un quelconque organe, que je n'ai pas perforé quelque chose, que je ne me suis pas cassée les côtes...Je me suis enfoncée mon cardio, je suis rapée de la poitrine au bassin, je me suis explosée les abdos du côté droit...là, j'avoue que je commence à avoir marre. Cette fois-ci, ça fait vraiment mal: à la 3e tentative, j'ai compris que je n'étais pas un ange...je n'ai pas d'ailes, ça ne sert donc à rien d'essayer de voler...Il me reste 4 kms. Je cours difficilement au début: j'ai surtout la trouille. La secouriste m'a dit d'aller vérifier à l'arrivée qu'il n'y ait pas une petite hémorragie et là, des pensées peu gaies traversent mon esprit: et si je m'étais explosé un organe, qu'est-ce qui se passe: je suis quillée au milieu de nulle part...je fais comment? J'avais oublié ou je n'avais jamais su que le trail pouvait être aussi dangereux.
Je détache le sac à dos, la sangle ventrale fait mal et petit à petit, je me remets à trottiner. Tout semble être en place. Ca va mieux. On passe devant des grottes troglodytes (?), on avance à petites foulées mais là, je ne peux pas faire plus, j'ai mal aux abdos...Quand enfin, quelqu'un nous annonce un km...j'ai renoncé à toute velléité de chrono...je promets juste à Nico de passer la ligne d'arrivée entière...ça y est, on croise des enfants qui randonnent, on ne doit pas être loin, le sentier s'élargit, on accélère...Enfin, c'est du bitume, plus de caillou, plus de racines...la Yayoun n'a pas dit son dernier mot: je prends la féminine devant moi en ligne de mire: c'est décidé, je me la fais.
A trois cent mètres de l'arrivée, mes parents, avertis de ma chute par des amis, font des supers supporters et m'encouragent à tue-tête...Finalement, je suis un demi-ange, je n'ai pas d'ailes pour voler mais j'ai des ailes au pied, comme Hermès, pour avancer vers la ligne d'arrivée...Je suis dans le camping, je sais que je vais le faire, je vois le ligne, je sprinte, je double la femme devant moi et enfin, je la passe...avec un immense sourire aux lèvres: je suis tombée trois fois, tout mon corps me fait mal mais je m'en fous, je n'ai absolument aucune douleur au genou, rien, pas même une petite gêne. Et je termine en 3h52.
Alors, ce n'est pas mirabolant comme chrono. En plus, ma mère m'a mis ma race comme disent mes élèves en arrivant en 3h17 mais je vais vous dire un truc, je m'en fiche, j'ai rempli mon contrat, je termine malgré les chutes, les bleus et les plaies, je termine avec le sourire aux lèvres.
En dépit de mes différents vols, ce fut une course magnifique dans cette garrigue que j'aime tant, sous le soleil, parfumée par le thym et le romarin:bravo aux organisateurs et bravo aux bénévoles...
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9 commentaires
Commentaire de Tercan posté le 31-03-2009 à 07:53:23
3 chutes en 22km :) c'est une performance acceptable :)
Le plus important étant que tu soit contente de toi et surtout !!! que ton genoux t'es fichue la paix !!!
C'est du tout bon pour la suite ! Le CCC ne sera qu'une formalité :)
PS: ON VEUX DES PHOTOS DU SAC BLEU !!! :):):)
Commentaire de jepipote posté le 31-03-2009 à 10:33:14
ou si tu n'a pas de photo du sac, j'aurai bien aimé voir ton corps de guerrière^^
Commentaire de RogerRunner13 posté le 31-03-2009 à 17:23:24
Et bien que d'émotions, trois chutes cela n'est pas anodin. Et tu n'avais pas mal partout le lendemain?..
Commentaire de Nono_d posté le 31-03-2009 à 19:47:16
En ben, impressionnant dis! Félicitation pour ton courage en tout cas car je ne suis pas certain d'avoir arrêté après 3 chutes (voire moins d'ailleurs)
et aujourd'hui, ça va bien? Tu as récupéré un peu?
Et ton sac, tu le prends aussi pour aller en ville ou pas?
Commentaire de Le Lutin d'Ecouves posté le 01-04-2009 à 07:51:33
Un truc comme ça, il faut l'éditer dans les CR ! Avec des photos des plaies ! Fais-nous des des textes comme ça à chaque course, on en raffole ! Enfin, t'es pas obligée de te faire mal à chaque fois !
Commentaire de francois 91410 posté le 01-04-2009 à 14:47:11
C'est ce qu'on appelle se faire mal en course .......
Merci pour ce(s) récit(s) qui doivent nous inspirer au cas où on essaie de voler nous aussi ! Preuve s'il le fallait qu'en CAP, le mental tient une place prépondérante
Commentaire de ampoule31 posté le 01-04-2009 à 15:37:10
Du suspence, du sang, de la tenacité, du courage, de l'abnégation, et j'en passe, tu pourrais faire un film à Hollywood sans blème.
Commentaire de béné38 posté le 01-04-2009 à 16:37:34
Bravo Sarah pour cet exploit, et pour ta ténacité.
Sinon, tu n'envisagerais pas d'acquérir un casque ??
Commentaire de rapace74 posté le 03-04-2009 à 08:39:33
tien je suis content je vais p-e voir des chutes en direct demain..... aux glaisins
manu ;-))))
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